Karol Beffa, piano, Galerie des glaces

Les pièces réunies dans ce recueil, enregistrées en septembre 2020 au studio Sextan, constituent le quatrième CD d’improvisations de Karol Beffa. Là aussi, c’est le public qui lui en a proposé les thèmes.

Dans certains cas, le musicien est allé puiser dans diverses époques pour nourrir son inspiration. Dans Angelus, une dimension mystique vient s’insérer dans un trame archaïque intentionnelle évoquant le chant grégorien. Sarabande funèbre, Le Songe du Cantor et Souvenir de Leipzig sont des clins d’œil à un baroque légèrement romanticisé. Plus ouvertement romantiques cette fois, Rosamunde flirte avec les harmonies franckistes, tandis que Adagietto fait explicitement référence à Mahler par ses tuilages et ses chevauchements. Quant à Calamity Jane et à Birdland, leurs déhanchements rythmiques les parent de couleurs franchement jazzy.

Avec Las Meninas et Nights in the Gardens of Spain, c’est à un dépaysement spatial et non temporel que le public est convoqué, l’improvisateur l’entraînant dans une Espagne aux architectures mauresques fantasmées.

Une autre série de pièces met en scène des personnages : un Charlot ludique, pantin désarticulé ; un Joueur de vielle, réminiscence schubertienne ; un Funambule qui oscille sur sa corde musicale, tiraillé entre attirance et répulsion du vide.

Des effets sonores particuliers ont parfois été recherchés. Dans Fragments d’explosifs, ce sont des déflagrations, qui déchirent une toile musicale angoissante tissée d’halètements et d’étouffements. Des tintinnabulations de cloches parsèment Carillon nocturne et Clocher englouti. Et le pouvoir hypnotique qu’elles créent se retrouve dans le jeu de pédales pulsées qu’offrent Drops et Le Belvédère. Quant à Piano préparé (et à son jumeau anagrammatique Opéra en papier), son titre parle de lui-même.

Enfin, Kafka’s Nightmare et Escher’s Woodcuts emprisonnent le public dans un labyrinthe géométrique de fausses perspectives et d’escaliers infinis.

Sur un matériau musical très simple, la pièce qui donne son titre au CD, Galerie des glaces, convie l’auditeur à de multiples jeux de réflexion et de réfraction.

 Claude BRUNET